Des mots d'ailleurs

Je ne peux m'empêcher, au détour de mes escapades poétiques, de vous faire part de mes petites perles. Pour les amoureux de la langue et du désert que nous sommes en participant à l'aventure azalane, je vous propose ici un poème marocain. Puisse-t-il vous inspirer...

"L’homme qui du désert connaît le secret ne
peut vieillir
La mort viendra, tournera autour de la dune
puis repartira.
Le jour sera sévère, mais la nuit
ne troublera point le regard profond de ce
visage qui bâtit des demeures dans la patience.
De ses mains, il tiendra la vie en saison haute,
Inaccessible au malheur.

L’homme qui du désert ne saccage point la légende
ne peut subir l’outrage.
Il sera dépositaire d’une mémoire obscure
tissée d’énigmes et de beauté.
Héritier du livre laissé par la nuit.
Les vents le maintiendront humble et fier
debout hors de toute défaite.

L’homme qui du désert sera le témoin,
maître d’un dessein délivré de la souffrance,
habitera une maison où la faim n’entre plus.
Il sera peut-être sans haine, éternel dans le courage,
enfant traversant le siècle avec un cerceau d’étoiles
dormant dans l’orgueil des ronces, sur
la ligne blanche, gardienne du ciel."

[...]

Tahar Ben Jelloun, Atteint du désert, in Abdellatif Laâbi, "La Poésie marocaine", La Différence, 2000, page 73.

N'hésitez pas à nous faire part de vos trouvailles...

L'ombre emporte les souvenirs,
assouvit l'encre dans son néant.

Le vent d'une page,
sur une terre en sursis
qui demain sera fertile.

A l'aube des dunes.

Jamila Abitar


Ne fixe pas

Les yeux du fauve

Qui voudrait empêcher

De traverser l'oued



Désarpente

Le désert

D'un ciel sans limite

Déambule indéfectible

Poésie Ahaggar

J’étais tourneboulé
ils voulaient m’en mettre plein les yeux

J’étais occupé à respirer
des brins de musc de cham
inhaler les concrétions parfumées

Je me nourissais de résine
j’étais né du désert

La substance empirique
des chemins ensablés
indiquait aux oueds la source

Gallets entrevus alchimie légendaire
potion poudre d’évidence
fait-toi donc ta propre idée de l’analogie.

Chekib Abdessalam

Superbes vers, merci ;-) !

Et hop, au détour d'un forum poétique, quelques vers du voyageur des déserts, lecture à conseiller pour nos azalans :

"C'est le vent qui ordonne et pétrit la masse, sculptant les versants, les crêtes, les entonnoirs.
La sebkha, fond de lac salé desséché, couvert souvent d'une étincelante carapace qui scintille au soleil dans un mirage où semblent nager des glaçons, prend des airs de banquise, tandis que certains plateaux calcaires, lorsque la roche se débite en dalles, aux bords arrondis émergeant du sable, se couvrent, à perte de vue, de minuscules icebergs azurés, à demi fondus: un dégel.
Sur les sols salés, la croûte boursouflée, pustuleuse, cassante, cède avec un craquement de neige gelée. Et des plages de regs ensablés, très fins, mais légèrement consolidés en surface, se tassent sous le pas, avec cette indéfinissable compression ouatée et crissante..."

Théodore Monod, Méharées (1937)

Une citation encore :
"Parler du désert, ne serait-ce pas, d'abord, se taire, comme lui, et lui rendre hommage non de nos vains bavardages mais de notre silence ?"

Et enfin quelques liens pour en savoir + :
-Théodore Monod ou le savant amoureux du désert
-Théodore Monod, une vie d'exception (par le guide du routard)
-Théodore Monod ou le Désert en Vérité (site biographique)