AVENTURE

"Ech wii kran !" hurla un soldat bassarien, lorsqu'il aperçu Farah inanimée sur le sable.
On la transporta d'urgence vers la carapace d'un Akkok, qui avait été aménagé en poste de secours de fortune. La guerre n'ayant pas encore débutée, Farah fut la seule blessée a occuper les lieux.

Un guérisseur Khyban fut un rapide constat de l'état de santé de la jeune femme, qui avait perdu connaissance. Son bras était en sang et une bosse à l'arrière de sa tête traduisait un choc violent. Pour le moment, le guérisseur se contenta d'appliquer des onguents sur les plaies qu'il avait nettoyé au préalable.

Il fallait d'abord pansé les blessures avant d'envisager utiliser la magie pour réanimer Farah.

Au dehors, le grand cor du général retentit, la guerre allait débuter...

Elle avait attendue patiemment, silencieusement, presque religieusement jusqu’au moment où la caravane emprisonnant son enfant passa à quelques mètres d’elle pour être à une portée raisonnable.
Elle allait profiter de l’effervescence de la guerre toute proche, pour s’immiscer au milieu des soldats, la tête recouverte d’un chouffir, arraché à un mort sur le passage.
Elle connaissait trop bien les rites guerriers de sa tribu pour savoir que, si près d’un champ de bataille, les fawalas rentraient littéralement en transe, leur corps et leur esprit tendus vers ce but unique. La force de leur mental était une arme extraordinaire, la seule face à la puissance des machines de guerre auxquels ils devraient faire face. Ils ne prêtent alors aucune attention aux mouvements qu’ils rencontrent en chemin, seul le bruit les fait sortir de cette étrange torpeur.

Dans un sentiment d’espoir fou, elle prit un élan discret, vers la pente sableuse, mais elle n’eut que le temps de la dévaler mentalement. Un bras solide la retint immuablement. Le simple contact peau à peau suffit à lui insuffler cette terreur qui l’habitait toujours en présence de son frère. Ecartelée, les cheveux presque arrachés par la tension qu’il exerçait sadiquement, elle vit s’éloigner sa fille, impuissante.

Il lui susurra à l’oreille avec un plaisir évident :
« Regarde la bien partir car là où elle va, elle n’en reviendra pas. Mes plans ont échoué et je t’en tiens pour personnellement responsable. Tu es responsable ! » Il avait dit ces mots en criants. Il la jeta à terre, puis se mit au-dessus d’elle pour lui faire face. Elle eut un instant de surprise mêlé de dégoût, il était dans un état pitoyable.

« Tu ne sais pas pourquoi ? Tu crois que je ne sais pas le secret que notre père t’avait révélé concernant la Clepsydre et qu’il m’avait refusé. Il est mort pour ça et je n’en ai pas le moindre regret. Aujourd’hui tu assistes à ma déchéance. Mais je ne tomberai pas tout seul. Quand nos guerriers arriveront, le guide de la caravane de ta petite protégée, me cherchera et ne me trouvant pas, ni moi, ni mes hommes, il comprendra notre défaite. Alors il la tuera, probablement ».

Il l’embrassa de force, elle lui cracha au visage.
L’interdit, l’horreur absolue, avait toujours réveillé en lui une excitation irraisonnée. Il aurait voulue la prendre à nouveau pour la punir de ne pas lui appartenir, malgré qu’elle soit sa chair et son sang. Mais il n’était que loque et douleur. Il la serra donc fort, aussi fort qu’il l’aimait d’une certaine façon.

Quand la vie l’abandonna, Aliena se remémora le son rauque des cornebars le jour où les barfaw’ s’était rassemblé. Son père en revenant, lui avait annoncé, pâle, que les temps allaient changé, il lui avait parlé de la Clepsydre mais elle avait chassé de sa mémoire le reste de son récit. La tribu avait appris, il ne savait comment l’inceste dont l’enfant était née.
«Les barfaws ont annoncé une terrible malédiction, » lui avait-il dit « cette enfant est maudite. Irdin le sage a dit qu’elle causerait notre fin et qu’elle oeuvrerait sa vie durant à perdre les nations à la recherche des Hédénides.» Ils voulaient la détruire, la sacrifier. Ils n’en eurent pas le temps. Swali avait malgré lui, en tuant les barfaw’ par orgueil, sauver le fruit de ses amours interdits.

Peut-être avait-il ainsi par ignorance, fait plus de mal qu’il ne pourrait jamais en faire de ses propres mains. Mais cette enfant n'existait pas pour lui. Et à la vue de sa mère, étendue sur le sol, inerte, il se leva les yeux vitreux et retourna vers l’enfer à la recherche de son unique intérêt à présent. Theylur Ard’hem.

A quelques roues de là, cachée par les tentures d’une caravane ballotante, une petite fille terrorisée, tentait courageusement de ne pas hurler.

Theylur sentit la chaleur du feu projeté par le Djinn, les souffles infernaux venu du plus profond des entrailles sulfureuses du génie invoqué. Theylur fut désemparé, tétanisé par une fin imminente et l'issue tragique de cette expédition, funeste destin que celui des Ard'hem liés à l'Azalaï. Mais dans un élan inespéré, il prit sa dague, marmonna quelques suppliques incantatoires et la plaça entre lui et la boule de feu qui allait s'abattre. La lame courbe de son cimeterre scintillait et stoppa la météore devant les yeux de l'Illustre.

En la faisant exploser à travers la nacelle de l'Ankar, le souffle projeta les voiles de la hutte et emporta avec elles plusieurs Malanoïs qui hurlaient dans leur chute mortelle. L'Ankar lui-même vacilla, se mit à tanguer et cessa de battre de son aile droite malgré les paroles consolatrices des Djulufs encore cramponnés au harnais de face. L'animal était blessé et devrait se poser au plus vite, dans une telle situation, ses instinct reprenait le dessus au péril des hommes qui l'utilisait. Un Malanoïs plus chanceux que ses congénères parvint à se faufiler en passant de filins en cordages vers Theylur dont la jambe était coincée.

L'Ankar continua sa chute et s'effondra dans une dune non loin du volcan et des premiers échos de la bataille, entre Akkoks rampant et Ankars bombardiers. Mais le cri de l'Ankar royal qui disparut dans un vacarme sourd et une explosion de sable ne laissa pas indifférent les hommes déjà engagés : les Malanoïs détachèrent immédiatement des troupes pour sauver leur Illustre tandis que certains Zhorkadiens se surprenaient à déjà crier victoire...

Les Ankars rugirent à l'unisson dans le ciel, Chabdouk cria au travers de la nacelle : « Nan Mag'doul Isnir Barak !! ». Et tous lui répondirent d'une seule voix « N'alla, N'an Darek !! ». Puis un après l'autre, ils se précipitèrent dans le vide qui s'étendait sous les ailes de l'Ankar-cargo déployant dans leur chut vertigineuse une large toile d'étoffe qui se gonfla dans les vents des sables et adoucit leur chute au travers des premiers projectiles qui transperçaient les nuages, venant des troupes zhorkadiennes au sol.

Ce sont ainsi des milliers de soldats qui s'élancèrent dans le vide et inondèrent le ciel au-dessus des Akkoks qui manoeuvraient déjà pour parer à l'assaut de Darek-Idnach. Au milieu des cris, d'autres Ankars se faufilaient au milieu des hommes pour larguer leurs jarres explosives remplies d'huile qui venaient embraser le sol et les troupes ennemis. Des Oktars aéroportés se placèrent également en rang serré, colonnes d'archers et lanciers en crête des dunes pour mieux inonder la plaine et nettoyer la zone pour l'infanterie.

Ce fut un véritable balai de feu et de sang qui se mit en place dans un déluge de sable et de cris rauques pour faire trembler l'ennemi qui n'était déjà plus qu'une ombre dans le brouillard de poussière. La guerre pour la Clepsydre venait de commencer...

Le djinn fut projeté à plusieurs mètres lorsque le grand Ankar vint s'écraser lourdement dans le sable. Tout s'était passé très vite, si bien que Khrul s'était désintéréssé du précieux artefact.

Sa prodigieuse chute l'avait quelque peu éreinté et sa concentration était perturbée par la guerre qui faisait rage. Le djinn fut surpris de ne pas trouvé la ckepsydre. Elle avait du tomber quelque part, il en était certain, elle était proche...

Le corps vaporeux du djinn n'ayant subi aucun dégat physique, il se releva et avanca vers l'ankar à l'agonie. Soudain, de lourds rets tombèrent sur Khrull, surpris par ce piège.

Des ankars de Darek avaient largué de lourds filets lestés par des rocs de Baralthide noire, qui permettaient d'emprisonner iun maximum de troupes ennemis.

Le djinn s'était fait prendre par surprise, mais ses entraves n'allaient pas le retenir très longtemps, d'autant plus qu'il était déterminé à retrouver la clepsydre stupidement égarée...

Elle comprit très vite que leur destination était atteinte. Le bruit sourd qui faisait trembler jusqu’à son propre corps, était devenu si assourdissant qu’elle crut devenir folle. La caravane qui s’immobilise tout à coup, des hurlements presqu’aussitôt, des coups de lames, des chairs qui se déchirent, tout ce que son imaginaire d’enfant pouvait imaginer et sûrement beaucoup d’autres choses inimaginables.

Sa seule consolation, bien maigre, était qu’emporté par leur entrée dans le combat, les guerriers fawalas avaient négligé les caravanes qui ne transportaient pas d’armes, et par conséquent la sienne restait orpheline au milieu des combats.

Elle restait prostrée au fond de la cale, oubliant de terreur les clous rouillés qui lui rentraient dans les reins. Ballottée par les coups qui secouaient le véhicule lorsque certains perdaient l’équilibre ou que leur arme, était emportée par l’élan.

Puis elle entendit, à peine à quelques mètres de là, des bruits d’explosion, de sortes de missiles largués sur le sol, explosant comme une jarre de liquide et entraînant des cris atroces et une odeur de brûlée. Elle entendait même crépiter ce qu’elle devina être des flammes dévorant ses victimes.

Elle n’y tint plus, et osa braver l’interdit absolu que lui avait donné l’homme chargé de la surveiller. Elle saisit une hache de guerre fawalas, dépassant des voiles de la caravane, appartenant à un guerrier trépassé, et tira de toutes ses maigres forces pour l’extraire des ses doigts raidit par la mort. Il s’effondra de l’autre côté du chariot, et elle, fut projeté sur l’autre extrémité par l’élan de son effort. Une fois relevée, courbée par les tentures qui recouvraient le toit de sa prison, elle tenta de toutes ses forces de se libérer en explosant les lattes du sol de la caravane, profitant du bruit des explosions qui s’approchaient dangereusement.

Les yeux de Farah s'ouvrirent. Elle était en sueur, l'air était chaud sous la carapace de l'Akkok.

Les premiers soins lui avaient été délivrés, tandis que la magie revitalisante lui redonnait de l'énergie. Elle put se redresser sans mal.

" Pourquoi avoir envoyé les troupes jusqu'ici ? Je croyais que ma mission était d'infiltrer secrètement les gorges de Hul."

Le prêtre lui répondit :

"Peu après votre départ de Zhorkad, le général a proposé de faire intervenir les miliciens, car des Fawalas allaient vous poser des problèmes. La preuve le convoi a été anéanti !"

Farah marmonna pour elle puis dit :

" J'ai échoué, mais je peux me racheter en vous aidant. Quelle est l'ordre de mission ?"

A cet instant, la carapace de l'Akkok s'entrouvrit, laissant jaillir un rayon de lumière aveuglant. Un milicen entra en disant :

" Nous sommes attaqués de toutes parts ! Il ne restent pas beaucoup de Fawalas ici, mais les forces de Darek nous encerclent ! Les Ankars ont déjà détruit une dizaine d'Akkoks ! "

Farah regarda le prêtre, qui aquiesca de suite. Ayant retrouvé un peu ses forces, Farah était prête à entrer dans la bataille.

Elle fut surprise lorsqu'elle descendit de l'Akkok. Des cadavres s'amoncellaient au milieu des rochers, du sang se melait au sable. Elle voit des miliciens happés par les serres de petits ankars rapides qui volaient très bas. D'autres malheureux étaient écrasés par les Akkoks qui
provoquaient des ondes de petites tempetes de sable, lorsqu'ils venaient s'écraser lourdement sur le sol.

Les cris, les sifflements des explosions, les corps qui surgissaient de nulle part déstabilisait la jeune farah, qui n'avait connu la guerre que par l'Histoire d'Azalai. Ne sachant pas du tout où elle se trouvait, elle se fia au son du cor des Djulufs éclaireurs, qui étaient en première ligne du front.

Farah prit un cimeterre au passage et se tint prete à combattre.

Plus l'ankar approchait de la bataille, plus le djuluf qui le manoeuvrait devenait nerveux. Il bredouillait des borborygmes incompréhensibles, et semblait sourd aux injonctions d'Hassan qui le pressait de contourner le front pour rallier les gorges de Hul.

Ne quittant pas des yeux la ligne d'explosions qui ravageait les rangs de Zhorkad, Hassan réitéra son ordre. N'obtenant toujours pas de réponse du pauvre homme, il finit par se retourner pour lui signifier son extrême mécontentement. Mais les imprécations qu'il s'apprêtait à lancer se muèrent en cours de route en sifflement stupéfait. Le djuluf avait laché les rênes de l'ankar, et restait prostré, les yeux vides, un rictus de pure terreur lui déformant le visage. L'énorme oiseau, ne recevant plus de directives, commença à suivre une trajectoire chaotique, ses instincts durement malmenés par les multiples déflagrations qui éclataient de toutes part.

Perdant patience, l'exécuteur de Bassar empoigna soudain le djuluf par les épaules et le fit basculer par dessus le bord de la nacelle. Alors que l'homme disparaissait en hurlant dans la poussière, il se saisit des rênes de l'animal et s'efforca de le faire virer pour s'éloigner du nuage d'ankars de Darek qui se rapprochait dangereusement. Après plusieurs essais peu convaincants, l'animal prit enfin la bonne direction, et entama un mouvement elliptique autour de la bataille.

Scrutant le sol, Hassan ne comprenait pas pourquoi il n'arrivait pas à se repérer dans cette région qui lui était pourtant familière. Il aurait déjà du survoler les gorges de Hul, mais il n'y avait qu'un amas de roches et d'éboulis divers. Puis, la vérité lui apparut, et même lui ne put retenir un hoquet de surprise. La désolation qui s'étendait sous ses yeux était bel et bien ce qui restait des gorges de Hul...

Mais il ne perdit pas de temps à se demander quelles incroyables puissances avaient pu tourmenter la terre à ce point, car il aperçut à cet instant un akkok de la milice, ainsi que plusieurs silhouettes qui semblaient se diriger vers la bataille en contrebas. Faisant un deuxième passage, il reconnut Farah Aksu parmi les miliciens. Il posa alors l'ankar non loin, puis sauta de la nacelle et s'élança vers le petit groupe.

Indestructible, c'était le sentiment de Farah après chaque coup de sabre porté à l'ennemi. Elle ne trouvait pas de plaisir à verser le sang mais les mouvements répétés de son arme avaient créer en elle une sorte de transe. Elle était née pour le combat, et n'avait jamais vécu autre chose que la guerre.

Alors qu'elle tranchait la gorge d'un djuluf, elle vit Hassan arriver en courant. Pourquoi Nasek avait fait appel à lui ? Il arriva quasiment à sa hauteur quand le sol se mit soudain à trembler. Farah, Hassan et une dizaine de djulufs sentirent leurs corps monter. Un akkok était en train de surgir du sol ! Une dune géante se formait à mesure que l'énorme insecte sortait son imposante carapace hors du sable.

Farah hésita, avant de choisir de sauter dans le vide espérant atteindre rapidement la terre ferme. Elle s'étala 5 mètres plus bas et dut fermer les yeux et la bouche pour éviter que la mini tempete de sable générée par l'akkok l'aveugle. Le choc de sa chute la rendait à présent vulnérable à une attaque. Elle tenta de repérer Hassan en vain. Si Nasek l'avait envoyé c'était pour une mission de la plus haute importance.

Farah attendait ,allongée sur le sable en mouvement, que l'akkok soit sorti entièrement pour pouvoir repartir à l'attauqe et surtout retrouver Hassan pour savoir les raisons de sa venue.

Theylur reprit lentement conscience. La poussière chaude qui remontait en volutes le long des parois du cratère lui arracha la gorge et les yeux. Il déchira un morceau de son vêtement et se l’appliqua pour protéger son visage des émanations brûlantes. Derrière lui, la bataille faisait rage et ses hommes devaient se demander si leur Illustre était encore ou vie. Pour leur moral, il se devait de remonter au plus vite à bord d’un Ankar et reprendre le combat.

Mais avant cela, il devait achever ce djinn maléfique, entité vaporeuse et démoniaque de la sinistre Zhorkad. Alors que Theylur se relevait enfin, il aperçut non loin de lui un éclat de verre qui brillait. C’était elle… Il accouru et se jeta sur l’objet. La clepsydre était intacte et les sables du temps ne s’étaient pas échapper. Theylur la glissa au fond de son ample manche et se mit en chemin pour trouver un Ankar. Il devait la maître en sécurité, au plus vite…