AVENTURE

On avait solidement attaché six cordes autour des pattes de l'Ankar. Elles permettraient à Farah et son équipe de milicien ainsi que d'un disciple de Najam, de descendre les gorges de Hul.
Celles-ci étaient constituées de solides roches. Hautes de plusieurs centaines de mètres, la descente pouvait parfois se révéler difficile voire impossible.

En bas, certaines zones étaient à l'abri du soleil, si bien que la fraicheur et l'humidité du lieu était appréciée. Mais des créatures y rodaient également.

Farah et son groupe était paré à descendre. Farah aimait l'escalade, et son habileté lui permit d'éviter les passages trop problématiques. Au bout d'une vingtaine de minutes, elle aperçut l'entrée d'une grotte en contrebas.

"Là-bas ! " lanca t-elle aux miliciens.

Une fois arrivés, ils devaient se rendre à l'évidence: la grotte était plongée dans l'obscurité.

" Je vais y aller la première. "

Farah eut à peine finit sa phrase, qu'elle s'était détachée et entrait dans la pénombre peu rassurante ...

Les gorges de Hul : un mystère des temps anciens, une merveille du monde aride d’Azalaï, une contrée peu accueillante que peu parcourent, encore moins dans la nuit mourante. Mais il s’agissait de Farah.

Farah l'insolente, Farah l'impétueuse, Farah la courageuse, tête brûlé, en proie à aucune peur, le danger fut son berceau, la mort une inconnue...

Farah la Milicienne, clé de voûte d'une des plus belle invention bassarienne, la fierté de la famille royale de Zhorkad. La Milice est l'ordre le plus prestigieux et sélectif de tout Azalaï, réputé comme étant les seuls capables d'affronter la force mystique des Malanoïs. Pourtant ils s'opposaient en tout : force brute contre puissance de l'imagination, vigueur du geste contre habileté de l’œuvre, audace contre sang-froid…

Pendant qu’elle pénétrait dans l’antre sombre, un larzan se trémoussait au sol rendant le sol flasque et visqueux. Une sorte de méduse des terres tentaculaire et déformé qui vivait dans les zones obscures du monde d’Azalaï, autant dire un combat perpétuel pour la survie comme tout être vivant en ces domaines brûlants. Mais rien n’effrayait Farah, pas même les ténébreux possesseurs des contrées d’ombre.

A mesure qu’elle avançait dans l’obscurité grandissante, l’air devint plus dense, presque liquoreux rendant sa respiration plus difficile. Un effet de la profondeur à laquelle il faut bien l’avouer, les nomades des Betnazars étaient peu habitués, perchés sur le dos de leurs géants. Les autres miliciens hésitèrent un instant, mais rien ne pu les arrêter, miliciens dans l’âme, jusque dans les entrailles magmatiques d’Azalaï, ils servent la cause, Najam, Bassar, Zhorkad…

A mesure qu'elle avançait, Nou'Ham découvrait ébahie la mini-civilasition qui se dévoilait devant ses yeux. Plus son Gnawoura progressait dans la caverne, plus elle pouvait voir les habitants qui allaient et venaient, entre leurs habitations. Elle ne discernait pas précisément ce qu'ils faisaient, certains semblaient absorbés par divers travaux manuels, des groupes d'hommes assis dans la poussière parlaient entre eux, des enfants jouaient couverts de haillons. Elle voyait les petites têtes de certains d'entre eux cachées derrière des abris de fortune et elle apercevait leurs regards étonnés la suivant pendant que son Gnawoura continuait son chemin.

Des milliers de torches étaient allumées et suspendues à la rocaille, la lumière qui en résultait procurait une étrange sensation de sérénité. Nou'Ham ne se sentait plus en danger et une sorte de léthargie l'envahit. Lorsqu'enfin sa monture s'arrêta elle se trouvait dans une sorte de salle taillée à même la roche. On la fit descendre, quelqu'un desserra ses liens et on lui fit comprendre en lui montrant une bassine d'eau et un morceau d'étoffe qu'elle devait se changer. Une femme lui apporta une coupe de fruits. Elle se sentait soulagée, elle ne sentait pas ces gens agressifs, et avait plutôt l'impression qu'ils la craignaient.

Une fois qu'elle fut rafraîchie la femme qui lui avait amené les fruits lui fit signe de la suivre et se saisit d'une des torches. Elle s'engouffra dans un tunnel qui partait de la salle où elle se trouvait et que la Kaya Kadin n'avait pas aperçu jusque là. Elles marchèrent un petit moment l'une derrière l'autre, Nou'Ham guidée par la lueur de la torche. Puis tout à coup elles débouchèrent dans une salle.

Dans un coin, installé confortablement sur des coussins se trouvait un homme. Elle parcourut rapidement la pièce du regard et s'aperçut qu'ils étaient seuls, la femme avait disparu immédiatement sans bruit. La pièce où elle se trouvait était magnifique, recouverte de mozaïque multicolore, et elle cru que certaines pièces de la mozaïques scintillaient à la lueur des torches.

L'homme, d'une cinquantaine d'année, lui fit signe de s'asseoir. Il ne parla pas tout de suite, il semblait plongé dans une sorte de méditation.
Elle le regarda longuement en se demandant si, sans sa longue barbe grisonnante, il ne lui rappelait pas quelqu'un. Il était plutôt bel homme, cette réflexion lui arracha un sourire étant donné la situation dans laquelle elle se trouvait... Patiemment elle attendit.

Il avait baissé les yeux pas de crainte, non, mais pour mieux entrevoir la situation. C’était sa façon à lui de prendre possession de ce qui l’entourait et lorsqu’il releva la tête, il plongea son regard brûlant dans celui d’Aliena tout en répondant à Theylur d’un ton mesquin :

« Le grand Ard’hem. » Il ricana « Bien joué, Aliena, tu es plus maline que moi »

Et il coupa Theylur qui s’apprêtait à répondre.

« Vous ne verrez pas d’inconvénient, Seigneur Ard’hem, à ce que je parle à ma sœur ? Ou faut-il envisager une dérogation suprême ? »

Il ajouta avec tout le mépris dont il était capable

« Pauvre fille, tu te vends moins qu’une servante à ces voleurs et tu renies ta propre famille . Tu devrais être à mes côtés dans cette quête. »

Il resserrait sa poigne inconsciemment et le bras d’Aliena devenait violacé sans qu’elle ne rechigne ni n’exprime le moindre sentiment.

« Nous sommes plus près qu’ils ne le seront jamais, la milice Zorkhadienne nous a ouvert le chemin mieux qu’elle ne pourrait l’imaginer, nous n’aurons plus qu’à cueillir le fruit et toi, au nom de ta tribu et du secret que tu détiens, tu dois me suivre. C’est un ordre ! »

Il avait finit sa phrase en vociférant.

« Je n’ai pas l’intention, ô grand Seigneur Ard’hem de l’emmener de force. Je connais les moyens qu’il faut pour la faire céder »

Et d’un sourire du coin des lèvres il rajouta détestablement ironique

« Tu sais, ma sœur bien-aimée, comme la mort de notre père m’a fendu le cœur. J’aurais tant aimé retenir la lame qui lui trancha la gorge, si seulement il avait parlé… Voudrais-tu qu’à nouveau cette lame tranche, parceque sa stupide fille suit son exemple ? »

Les yeux d’Aliena se remplissait de larmes malgré l’effort inhumain qu’elle semblait produire pour se contrôler.

« En t’enfuyant, n’as-tu pas oublié quelquechose… ou quelqu’un ? »

Dans le silence pesant qui suivit la question de son frère, elle sentit le vent de cette nuit maudite la transpercer au fur et à mesure qu'elle se décomposait.
Se pourrait-il que...
Un regard désespéré lancé à Theylur, qui bien que sur ses gardes, assistait à la scène presque impuissant.
Le regard d'une enfant qui supplie et qui attend qu'on l'éveille d'un mauvais rêve.

Elle était bien partie sans quelqu'un cet après-midi là, quand une partie de son peuple avait été massacré. Elle était partie sans "elle", parcequ'"elle" l'avait retrouvé morte. "Elle" était morte, elle aurait pu le jurer.

Mais le visage jouissif de son double la faisait douter. Se pouvait-il qu’elle l’ai laissé entre ses mains à lui. Elle ne s’en remettrait pas.

Et lorsqu’il lui lança un clin d’œil entendu, elle savait qu’elle n’en saurait pas plus à moins de le rejoindre.

Il sortit de sous sa cape épaisse une petite fiole qu’il jeta violemment à terre, avant que quiconque n’eut le temps de réagir. Le produit au contact du sable s’enflamma et la fumée fut si épaisse que leur vue se troubla l’espace d’un instant. Un instant qui suffit au fawala pour s’enfuir et se fondre dans les dunes. Silencieux, rapide… dangereux.

Theylur réagit aussitôt après que les fumées se soient dissipées, une fraction de seconde de trop, il manqua de rattraper le jeune Fawala. Les Malanoïs eux-mêmes furent surpris de la vivacité de Swali et se mirent immédiatement en route pour tenter de le retrouver mais Theylur les interrompit :

« Suffit Malanoïs ! Rien ne sert de poursuivre ce jeune sauvage ! Il a échoué dans sa tentative de nous voler Aliena, c'est l'essentiel. Une quête bien plus importante nous attend et la Kaya Kadhin de Darek-Idnach est toujours entre les mains d'inconnus dans cette contrée hostile. Et quelque chose me dit que nous nous retrouverons très bientôt... »

Les Malanoïs cessèrent de courir et se remirent au travail pour harnacher les Ankars avec les Djulufs pendant que la suite finissait de ranger les tentures. Theylur profita d'un moment de calme avant le départ pour se rapprocher d'Aliena et lui demander :

« Ainsi ton frère cherche à te nuire. Pourquoi ? Et qui est cette personne qu'il serait susceptible d'avoir avec lui et que tu crois morte ?! Aliena, j'ai besoin de réponses, le temps presse, j'ai besoin d'avoir confiance en toi. »

Elle resta muette un instant, plongée au plus profond de ses mauvais souvenirs, les cauchemars de la fin de son peuple, ces temps qu'elle s'était jurer d'oublier, mais Theylur posa sur elle un regard intense, un regard interrogateur et persuasif…

La température avait radicalement baissé dans la grotte.Les parois étaient humides, si bien que des Goultrides pulullaient. Il s'agissait de petits champignons à propriété médicinale.

Farah avait parcouru une bonne centaine de mètres quand soudain elle percu un mouvement droit devant elle. Elle ne bougea pas, sentant une étrange présence. Elle n'était pas seule dans la grotte !

Le sol se mit à trembler tandis que les parois commencaient à s'effriter. Farah rebroussa chemin en courant le plus rapidement possible, quelque chose la chargeait !

A l'entrée, les miliciens scrutaient l'intérieur sans pouvoir y discerner la moindre chose tant l'obscurité était profonde. Farah surgit soudain en criant : "Ecartez vous !!!!!!!!!!!!!!!"

Un bruit sourd retentit tandis que Farah sauta sur le côté, fit une roulade puis se mit en posture d'attaque.

La scène s'étant déroulée si vite, les miliciens n'eurent pas le temps de réagir.

Un énorme scarabée surgit de la grotte , écrasant le premier homme sur sa route et projetant les autres à une dizaine de mètres plus loin, contre les parois rocheux. L'insecte dérangé, continua sa course en décrivant une trajectoire circulaire.

Farah prépara son attaque attendant que sa vitesse diminue, elle se releva soudain chargeant de front la bête.Elle n'avait aucune chance d'espérer trnaspercer l'épaisse carapace noire du scarabée.

Mais il restait une possibilité, le ventre de l'animal. Les pattes surélevait l'animal d'un bon mètre par rapport au sol, ce qui permit à Farah de se coucher brusquement à terre pour éviter la collision.

Couchée sur la sable, Farah n'eut besoin que de pointer sa lame vers le haut pour trancher la peau de l'insecte, l'éviscérant. Farah fut recouverte des entrailles visqueuses du scarabée, qui tomba quelques mètres plus loin dans un bruit qui trahit la masse énorme de son ossature. Une fumée de sable s'éleva à l'impact de la carcasse contre le sol.

Farah se releva non sans mal, au milieu d'un amas d'organes et de sable. Farah était en vie, mais ses vêtements collaient et sentaient mauvais, ce qui lui déplut fortement ...

Cela n'était pas particulièrement prévu au programme mais elle ne se sentait ni la force de mentir, ni de ruser avec les mots. Elle lui répondit donc tout simplement,

"Elles, c'était..., je veux dire c'est, ma fille... "
Et elle ajouta, en fuyant un peu le regard de l'Illustre.
"Et la sienne aussi."

"Venez Seigneur Theylur, nous avons un campement à lever."
Elle avait posé sa main sur son bras en lui disant cela. D'un geste tendre, comme si c'était lui qui avait besoin d'être apaisé... et elle s'avança vers lecampement pour rassembler ses maigres affaires et aider les serviteurs, comme à son habitude.

Swali le magnifique.
Voilà l’impression éternelle qu’il souhaitait un jour laissé derrière lui. Sa grandeur n’avait d’égale que l’immensité de ce désert dont il espérait maîtriser les peuplades. Lui le simple guerrier fawala allait leur démontrer ce dont il était capable.
Aliena, sa douce aliena, dont il maintenait l’âme entre ses griffes acérées, qu’il ne cesserait de resserrer jusqu’au dénouement final.

Pour l’heure il envoya un narjar aux plumes iridescentes à son informateur, membre de la milice Zorkhadienne en mission dans les gorges de Hul et se mit en route pour le rejoindre.

Seule rescapée de l'attaque, Farah escalada la roche, remontant à l'aide de la corde.
Une fois de retour au campement, elle lanca un regard vers les miliciens, médusés de la voir revenir seule.

Elle leur lanca :
" Nous avons été surpris par un Scarabée des sables. Il ne nous nuira plus, mais je veux qu'une prière soit faite pour nos amis disparus. Je vais me changer et j'y retourne ! "

L'un des milicien lui répondit :
"-Mais vous ne comptez pas y aller toute seule ? "

Farah se retourna vers l'homme en lui jetant un regard noir.
" Sais-tu à qui tu t'adresse ? "

Le milicien gêné rougit et s'excusa.

Farah reprit :
" Je n'y vais pas seule, trouvez moi Basheer, il m'accompagnera ..."

Se dirigeant vers la tente placée sur l'ankar, elle demanda des vêtements propres, qu'on lui apporta sur le champ. Une fois seule dans la tente , elle se dévêtit, puis enfila sa nouvelle tenue. Cet incident n'avait pas ébranlé sa détermination ...

Lorsqu’il entendit son nom claquer dans l’air, Basheer eut un sourire. Elle ne l’avouerait jamais, mais elle s’en voulait d’avoir dû rebrousser chemin. Le poids des pertes humaines se sentait dans le ton de sa voix, elle n’était pas insensible quoiqu’en pensaient certains au palais. Mais la milice bassarienne utilisait toujours un échec pour mieux rebondir sur le problème. Et Farah n’échappait pas à cette règle.

Le djuluf les avait regardés descendre le long des cordes et disparaître dans les entrailles des gorges de Hul. Son devoir était avant tout de rester auprès de l’ankar noir pour parer à toute éventualité et il s’était appliqué à commencer les soins que l’oiseau attendait impatiemment, après ce vol épuisant. Mais sans savoir pour quelle raison, il avait été attiré vers le bord de la falaise déchiquetée. Et c’est alors qu’il avait aperçu le scarabée s’effondrer dans le sable, comme recraché par la roche. La première pensée de Basheer fut pour celle qui les commandait et il s’apprêtait à s’emparer de la corde lorsqu’il l’avait vu sortir en frottant avec rage les intestins qui maculaient sa tenue.

Il l’avait suivi du regard lors des premiers mètres de sa remontée. Mais très vite, Basheer s’était reculé pour éviter de mettre celle qu’il estimait et respectait dans une situation d’infériorité qu’elle ne méritait pas. Sans dire un mot, il était revenu se mettre sous les grandes ailes de l’oiseau, et n’avait pas bougé lorsqu’elle l’avait fait demander. Il vérifiait les nombreuses et complexes fixations du harnais de cuir qui maintenait l’habitacle de transport et son siége de djuluf lorsqu’une voix résonna derrière lui :

" Elle te cherche, Basheer ! Elle veut que tu l’accompagnes en bas. " L’homme s’était abaissé nerveusement car l’oiseau venait frissonner.
" Mmmmh ! " Après un hochement de la tête, Basheer flatta l’énorme encolure de l’animal et se dirigea vers la longe qui le maintenait au sol. Il s’empara de l’extrémité de la corde et fit sauter l’attache.
" Mais t’es fou, il va s’enfuir ! " L’homme se serait jeté au sol si sa fierté ne l’en avait interdit.
" Non ! Et je vous interdis de le toucher durant mon absence. "

Le djuluf tira sur la longe et obligea le fier animal à baisser sa tête jusqu’à sa hauteur. S’il l’avait voulu, d’un seul coup de bec, le rapace aurait pu lui arracher la tête. Basheer posa ses deux paumes entre les yeux de l’animal et parla d’une voix stridente à forte modulation. Le rapace cligna des paupières plusieurs fois et ponctua l’échange en secouant la tête. Dans l’habitacle, un juron fut perceptible. Farah ne devait guère apprécier les mouvements impromptu de l’ankar noir.

Basheer saisit son équipement et vint se poster au pied de l’échelle de corde permettant de descendre de l’animal, un genoux en terre, fixant le sable, la main fermée sur la cravache sacrée.

Farah perdit l'équilibre au moment même où elle veniat de mettre sa ceinture. Elle put se rattrapper au grand voile de la tenture pour ne pas s'étaler sur le sol. L'ankar avait bougé, peut être énervé par les va-et-vient incessant sur son dos.

De toute manière elle avait fini de se changer, elle pouvait resortir. Elle vit Basheer qui se prosternait.
Elle le rejoint et dit :

" Ah te voilà ! J'ai besoin de toi ! Les grottes ne sont pas aussi désertes qu'elles n'y paraissent. Ce serait plus prudent que tu m'accompagne, au cas où un scarabée ou autre créature viendrait nous rendre visite."

Farah voyait en Basheer un allié de poids. Il était passer maître dans le domptage des animaux mêmes les plus sauvages. Nasek Bassar l'avait pris sous sa tutelle cas rare à Zhorkad.

"J'ai repéré une grotte qui pourrait bien être le passage que nous recherchons, celui de la stèle rose . Il faut absolument que j'en ai le coeur net."

Toujours figé dans sa posture d’obéissance et de respect, Basheer comprit le but de leur chef d’expédition. Il avait dirigé l’ankar noir vers les gorges de Hul, sans avoir besoin d’explications, comme tout bon milicien qui honorait son rôle pour Zhorkad. Seul celui qui prenait la responsabilité d’une expédition connaissait parfaitement l’aboutissement de celle-ci. Parfois, dans la pire des situations, le second était-il mis au courant. Mais dans le cas présent, seule Farah savait où ses pas la conduisaient.

Et Basheer venait de comprendre. Certains errants parlaient de passage sous les roches, permettant de rejoindre les différentes stèles, à l’abri du soleil. Mais tout ceci n’était que des légendes. Il hésita un instant avant de parler, toujours la tête baissée :

"Je ferai de mon mieux pour nous prémunir des dangers de la faune sauvage, chef ! Mais ne vous leurrez pas, personne ne peut dompter un karbar ou un scarneck en un sablier. Mes connaissances de la faune permettront d’anticiper leurs réactions ou d’éviter leur habitat, rien de plus !"

Le djuluf s’étonnait lui-même. Il n’avait pas dû prononcer autant de mot durant la dernière saison. Farah provoquait vraiment des changements en lui qu’il redoutait car pour la première fois, il ne maîtrisait pas la situation. Car l’Homme était si éloigné de l’animal …

"Quant à passer par les cavernes, avez-vous la certitude que cette voie existe ? Sauf votre respect !"

Il savait grosso modo la direction vers laquelle l’armée Zorkhadienne se trouvait, il galopait cap au vent sur le betnir qu’il avait « emprunté » à la fière cité azalane lors de son passage sur le betnazar des Ard’hem.
Il connaissait milles façons de se déplacer dans ce désert aride à dos de n’importe quel animal dont il maîtrisait parfaitement la condition, mais utiliser leur propriété lui donnait toujours un grand sentiment de puissance qu’il adorait par-dessus tout.

Il avança vite, irrationnellement vite. Les dunes, et recoins de ce monde n’ayant que peu de secret pour la tribu des sables, comme on les appelait parfois. Les longues années d’errance avaient non seulement formé son œil à un sens de l’orientation aigu mais aussi permis de découvrir maints chemins et passages dans les roches, dans les grottes et cavités durcis par le soleil, souvent invisibles au commun des passants.

La nuit touchait à sa fin et le premier voile d’éclaircie commençait à s’étendre sur le sol humidifiée par la nuit. Il s’arrêta un instant au sommet d’une dune pour admirer le spectacle de ces grains de sable qui devenaient littéralement iridescents au contact de la lumière, lui donnant la sensation de surmonter un océan. Un sourire, qui se mua en un incontrôlable éclat de rire secoua son corps haletant. Cette aventure touchait à sa fin, il en avait le sentiment immuable. Au loin, il aperçut son messager volant à tire d’aile, pour le rejoindre suite à sa mission. En dévalant la pente, emportant avec lui une avalanche nuageuse, il avait bien l’intention de déterminer cette fin.

Une absence, un vertige.
Un goût amer, le sable irritant, les yeux embués.

De toute évidence, Theylur venait de se recevoir un coup de poignard, plus profond que n’importe quelle dague Fawala. Une sueur froide parcoura son dos et le fit tressaillir. Ses pensées s’emmêlaient, impossible de réfléchir, les mots d’Aliena avaient résonné dans la nuit mourante et survivaient en échos tranchants dans les bris du cœur de Theylur.

Le geste doux d’Aliena n’aurait pu le réconforter tant la blessure était profonde, la plaie encore béante. Mensonges, trahisons, tromperies, elle venait de se dévoiler comme capable de tout. Un abîme de secrets qui ne se dévoilent jamais, ou dans le pire des moments. Elle s’était tant rapproché de lui ces derniers temps, mais à présent, tout serait plus compliqué encore.

Après la colère de s’avoir été son jouet, le reflet morne de ses secrets les plus intimes le faisait frémir. Elle avait eut une fille… Avec son frère… Tiraillé à présent entre le besoin d’en savoir plus et le dégoût et la vexation, il dit d’un ton austère :

« Arrête-toi. »

Un silence, une absence, un vertige.

« Je ne comprends pas bien… Tu ne peux continuer ainsi à te jouer de moi ! Je n’ai guère le temps d’affronter ton passé, toute ta famille réunit et encore moins tes faiblesses. Je ne saurais tolérer qu’une suivante de ma cour qui m’accompagne dans le désert me cache tant de choses. »

Un silence. Les mains de Theylur tremblaient, sa voix aussi et son souffle s’amenuisait…

« Il est temps pour toi que tu m’en dises plus sur toi et ce très rapidement car nous embarquons immédiatement et nous partons à la recherche de le Stèle Rose, plus de temps à perdre. »

Theylur la prit par le bras d’un geste brusque et la fit grimper dans l’habitacle harnacher à l’Ankar royal. Deux autres volatiles complétaient la garde rapprochée et la caravane se mit à voler en formation serrée et basse altitude pour tenter de repérer des traces de l’expédition de Darek, des signes de vie de Nou’Ham, les reflets de la Stèle ou peut-être Swali en train de les devancer avec une horde Fawala embrigadée, ou peut-être encore la milice zhorkadienne au grand complet…

Le vent s’engouffrait sous la voilure de l’habitacle et l’air frais du petit matin calma les esprits, Theylur reprit :

« Alors ? J’attends des explications ?! »

Impassible, Nou’Ham respectait le silence et la sérénite du lieu où elle se trouvait.
Peu lui importait finalement de savoir ce qu’elle faisait là, elle savait que sa vie n’était pas en danger. Vus la manière et la condescendance avec laquelle ses hôtes la traitaient depuis son entrée dans la caverne, elle ne se sentait pas en danger immédiat.
Elle ne rompit pas le silence que semblait lui imposer l’homme et perdue dans ses pensées elle se demanda si Theylur saurait la retrouver, ou bien si les intentions de ce peuple étaient de faire en sorte que jamais l’on ne sache qu’elle se trouvait ici…

Elle ne remarqua pas que l’homme la regardait à présent, et sursauta lorsqu’il commença à parler : « Nou’Ham Kilhir… »

Il connaissait son nom ?

« Je voudrais tout d’abord vous présenter toutes mes excuses pour la manière dont vous avez été amenée ici, mais les circonstances nous ont obligées à procéder ainsi. »
Sa voix était claire et posée, il avait un sourire sur son visage qui évoquait à Nou’Ham un souvenir mais elle n’arrivait pas à se rappeler d’où lui venait cette impression de déjà vu.

« Je voudrais vous montrer quelque chose, mais je ne souhaite pas que vous vous rappeliez comme y aller alors je me permets de vous mettre ce foulard sur les yeux. »
Elle aquiesca et il s’approcha d’elle avec un voile bleu à la main. Il lui mis le tissu sur les yeux et sa main chaude effleura son visage.

Elle se leva et il prit son bras pour l’aider. Le contact de sa main semblait rassurant, elle se laissa guider sans voir…

Elle n'avait pas bronché face à sa réaction qu'elle n'imaginait pas si "violente". Non qu'il lui eut fait mal mais le regard qu'il lui avait lancé, l'avait profondément meurtrie. Elle ne pensait pas le décevoir et encore moins se voir reléguer au niveau des traitres. Tout au plus elle l'avait imaginé choqué, voire incapable de comprendre.
Elle n'osait même plus le regarder en face, elle se sentait petite et fragile, comment lui expliquer ? Mais elle voyait bien que sa patience arrivait au bout...
Ils s'étaient mis près de l'entrée, à l'abri du monde. Elle tenta de lui parler malgré le bruit du vent filtré par les plumes épaisses de l'Ankar.

"Ce n'est pas du tout ce que vous croyiez" Sa voix se cassait de trop forcer pour couvrir le vacarme. Mais face à son regard froid, elle se sentait faillir.
" Theylur, je t'en prie, il faut me croire".
elle éclata en sanglot.
"Mon frère est un monstre, il convoite tout, c'est son mode de fonctionnement. Dans ma tribu, les hommes ont tous les droits. Entre les mains d'un fou, cela peut être irréparable. Une partie de ma tribu en a fait les frais, mon père, les sages qui en savaient trop et qui se refusaient à parler... "

Elle reprit sa repiration, les traits contractés par la douleur de sa gorge nouée, les yeux baignés de larmes.

"Mon frère veut posséder, le pouvoir, le secret que je détiens, moi.
Il m'a violée." Elle hurlait maintenant.
"Cette enfant je ne l'ai pas voulue. mais dans notre tribu, nous ne pouvons supprimer un enfant qu'une fois né, à la lune naissante. J'ai fait le choix de l'aimer. "

Elle se sentait tellement déchirée et seule et elle ne pouvait plus supporter la froideur figée sur le visage de l'illustre. D'un élan instinctif, elle enfouit son visage dans les voiles qui enrobaient son torse. Même si ça ne devait durer qu'un instant, cette seconde d'impossible lui était devenue vitale...

Le Grand Pasha Glaouwni, Mentor, guide et chef des Rescapés du Grand Hosaam, le déluge du Deuxième Temps la guida dans le dédale sombre. Sa longue toge bariolée miroitait de milles reflets des torchères discrètes qui illuminaient la voûte de la salle du trône, une cavité souterraine ingénieusement aménagée pour résister au pire des cataclysmes, parole du peuple Houboutou.

Ceux-ci peuplent depuis près de 400 ans, les circonvolutions internes, repli rocheux du sous-sol azalan. De boyaux en cavernes, ils sont les gardiens de la terre en fusion, celle qui bout comme les Monts fumants du Sud, celle qui fulmine dans les entrailles rougeoyantes d’une terre écartelée et en colère. Voilà près de 400 ans que la terre tout entière d’Azalaï se lézarda, explosa, craqua dans un rugissement des profondeurs et fit perdre plusieurs cités-betnazars dans ses flammes dévoreuses. Le déluge du Grand Hosaam qui marque la fin du Deuxième Temps mit aussi fin aux jours radieux du Betnazar de Moulahoua, siège de la cité du peuple Houboutou. Depuis ce temps, rumeurs et mystères entourent les disparus du déluge. Certains contaient à Darek que des Rescapés avaient survécu et s’étaient réfugiés dans les profondeurs de la terre meurtrie, apprenant à apprivoiser le feu vivace du cœur bouillant d’Azalaï. Les rescapés Houboutou pensaient trouver un peu d’eau dans les profondeurs, mais les sources enfouies ne se profilèrent jamais et la chaleur étouffante règnait aussi dans les plus sombres abîmes d’Azalaï.

Glaouwni, de la dynastie des Houdnaya, régnait depuis près de 50 ans sur le peuple Houboutou. Il était la preuve vivante que la légende des Rescapés du Grand Hosaam était vraie, dans ses moindres détails. Nou’Ham alla de révélation en révélation, écoutant soigneusement les paroles du Pasha qui continua ainsi :

« Voilà notre histoire Kaya Kadhin, celle que vos ancêtres ont refusé de vous enseigner. »
Il vit bien que Nou’Ham ne comprit pas bien son raisonnement, pourquoi les siens lui auraient-ils cachés leur existence, il s’expliqua :

« Vous comprenez Kaya Kadhin, la quête des Hédénides, du Paradis perdu et de la Sainte Source vive rendent les azalans fous depuis près d’un millénaire. Il était plus aisé pour certains dirigeants des autres Betnazars de voir s’enfuir un peuple dans les flammes, un peuple en moins en lice pour la course contre la mort et pour la vie éternelle, un concurrent de moins. Mais nous avons appris à nous débrouiller seuls, maîtrisant l’art du feu malléable, les sorties de nuits, les infiltrations au sein des cités-betnazars pour nous procurer de l’eau, si précieuse ici-bas aussi. »

Le parcours continuait et Nou’Ham avait toujours les yeux bandés et écoutait les paroles du Pasha :

« Voilà donc mille ans que nous errons. Il nous en faudra deux fois autant pour trouver les Hédénides, parole de sage. A moins que… »

Nou’Ham ne put s’empêcher :

« A moins d’être en possession de la Clepsydre de Barwal… »

Le Pasha ne fut pas surpris et répliqua :

« Très exactement chère Kaya Kadhin… »

Glaouwni la fit monter à bord d’une petite nacelle perchée au-dessus d’un gouffre sans fin. Des hommes actionnèrent un ingénieux mécanisme et la firent descendre lentement le long d’une paroi sans limites vers les profondeurs…

Elle était là, enfouie entre ses bras qu’il avait serré autour d’elle pour la rassurer regrettant sa réaction agressive. Il ne sait rien d’elle et ses malheurs semblent aller au-delà de ce qu’il aurait pu imaginer. Il lui demande de devenir une reine, d’avoir une attitude irréprochable, de se sentir investir d’une ambition sans limite comme celle qui l’anime. Mais c’est peut-être trop, trop tôt, trop vite pour les épaules, au fond fragiles de la jeune nomade des sables.

Il la serra ainsi dans ses bras profitant d’un instant de tendresse entre les volutes du vent matinal encore tiède qui faisait virevolter ses cheveux. Il la connaissait délicieuse, mais ses faiblesses mirent du temps à émerger depuis son arrivée. Derrière le voile du désir, de l’ardeur, une volonté hors du commun qui se brisa dans le murmure de son enfant. Comment aurait-il pu lui en vouloir davantage ? Comment la réconforter lorsqu’on a vécu comme lui à l’abri de la vie, dans un palais de jade et d’opale. Comment lui parler de son enfant ?

Theylur prit le visage d’Aliena dans ses mains, profitant de sa douceur, ses yeux s’enfouir au plus profond d’elle… Au milieu de la caravane, les servants se pressèrent à l’avant ne voulant mettre un terme à l’intimité qui se risquait devant eux. Il sécha ses larmes et lui souffla :

« Ne crains rien ni personne. Avec moi tu es en sécurité, je ne laisserai personne te toucher. Sois assurer que nous retrouverons ton enfant, même si je dois disperser milles Ankars aux quatre coins de cette terre maudite. Ni les sables enfouissant, ni le vent dispersant, ni ton frère n’auront de répit tant que je te protégerai. »

Un temps encore et inéluctablement, ses sentiments se trahissaient au travers de son engagement, fidélité et espoir, il voudrait la rassurer par sa présence, éternelle. Ses lèvres lentement s’égarèrent dans un soupir envoûté…

Basheer avait terminé par ces mots :
"Quant à passer par les cavernes, avez-vous la certitude que cette voie existe ? Sauf votre respect !"

Farah lui répondit que d'après ses souvenirs, il existerait de nombreuses galeries jadis creusées à même la roche par les Houboutou. Ce peuple très bien organisé connaissait le dédale sous terrain par coeur. Il fallait être prudent.

"A moins que vous ayez une autre idée, je pense que nous devrions nous dépêcher d'y aller, le convoi de Darek Idnach est peut être déjà sur place ! La clepsydre doit revenir à Zhorkad.Mais il faudra être discret . Je redescends à la corde, on se rejoint en bas ..."

Farah plus déterminée qeu jamais, descendit à nouveau, de manière plus assurée cette fois.

Basheer hocha la tête en signe d’assentiment et lissa sa moustache dans un geste inconscient mais preuve de sa concentration :

"Eh bien ! Essayons donc de trouver ce chemin ! Pour la grandeur de Zhorkad, si cette voie antique, dans les entrailles de la terre, existe bel et bien, nous la découvrirons !"

L’homme se releva et s’équipa rapidement. Il passa prestement son cimeterre dans son dos, de ce geste habituel des djulufs, s’équipant ainsi pour prémunir leur monture de tout risque de blessure. Il saisit une outre en peau de chèvre pleine qu’il fixa à sa ceinture et enveloppa quelques galettes sèches qu’il plaça sous sa tunique. Ainsi équipé et avec un peu de bon sens et quelques restrictions maîtrisées, un milicien pouvait survivre dans une zone hostile durant une dizaine de jour.

Basheer émit quelques cris à l’intention de l’ankar qui lui répondit en levant sa tête au ciel, bec entrouvert. Ils s’étaient compris et surtout fait une promesse, s’attendre et se retrouver. C’était bien la première fois qu’il laissait ainsi celui qui partageait sa vie depuis si longtemps. Le djuluf connaissait les capacités du noble volatile et elles lui permettraient de palier à tous les risques de la nature qui l’entourait. Mais il s’inquiétait plus de la nature humaine, qui pouvait tromper l’instinct de l’animal.

Il rejoignit Farah en marmonnant dans sa barbiche :

"Le premier qui profite de mon absence pour lui faire du mal, je l’étripe de mes propres mains, sous le soleil du zénith !"

Alors elle s’abandonna.
Elle le crût parce qu’elle ne pouvait faire autrement les yeux plongés dans les siens, sa bouche contre la sienne, ses mains puissantes encerclant d’un geste tendre et protecteur son visage embué.

Mais le trouble inattendu qui s’empara d’elle venait plutôt du fait qu’elle ne connaissait pas ce qu’était l’amour sans les cris, sans les coups, sans la honte.
Elle se pressa un peu plus, cherchant ce contact grisant et régénérant, gardant dans un coin de son esprit, la terreur profonde d’aimer un peu trop ce qui se passait pour ne pas supporter de le perdre.

Leur intimité était trop profonde pour qu’ils ne s’aperçoivent de l’émoi qu’elle causait non loin de là. Les serviteurs se perdant en bavardages et en exclamations, tentant de percer un peu la fine toile qui les séparer de la scène. Comment Theylur avait-il pu se perdre ainsi l’espace d’un instant…

Un jeune homme à la peau mat et au regard insolent, tenta d’impressionner ses paires en se glissant discrètement et après un toussotement qui se voulait respectueux, il osa :
« Seigneur, nous approchons, nous vous attendons pour l’accostage »
Et il se retira, les jambes tremblantes.

Aliena retint l’Illustre dans son élan instinctif de s’écarter d’elle et dans un souffle lui envoya :
« Theylur, quoi qu’il puisse arriver, j’ai besoin que tu me fasses confiance… »

Lorsqu’il arriva près de la dune grise, Swali pu constater avec satisfaction que ses ordres avaient bien été suivis. Une équipe de guerriers fawalas, tous de sable vêtu, surveillait l’entrée des gorges de Hul et le va –et viens de la milice zorkhadienne.

De là, ils avaient pu voir la première tentative de Farah échouer, en l’apercevant ressortir échevelée, par l’échelle de corde.
De là, ils avaient pu voir le maître djuluf repartir avec elle.
De là, ils avaient pu observer Emir, administrer à l’oiseau une dose de calmant à base d’herbes sèches extraites dans les rivages rocheux. Emir, qui avait ensuite pu exécuter le signe attendu, leur indiquant ainsi qu’il était temps pour eux d’agir selon le plan.

Emir n’était pas un traître dans l’âme, mais sa famille s’agrandissait et il ne savait jamais s’il rentrerait de ses missions sain et sauf. Il n’avait pas eu le choix, la récompense offert par Swali Ak’madar, ne pouvait se refuser.
Il se tenait près pour la suite des événements.

Nou’Ham se sentait descendre, elle entendait les grincements discrets des poulies actionnées lentement. Tous ses sens en éveil, elle sentait la présence du Pasha à ses côtés et se demandait si là où il l’emmenait la clepsydre serait réellement présente…

Tout à coup elle sentit les liens du voile qui lui couvrait les yeux se déserrer. Le tissu glissa sur le sol de la nacelle et elle découvrit le regard bienveillant du Pasha posé sur elle. Nul besoin d’accommoder sa vision à la lumière car ils se trouvaient dans un conduit creusé à même la terre, faiblement éclairé de temps à autre par une torche. Le regard du Pasha était troublant, mêlé d’excitation et de crainte, elle perçut une certaine gêne de sa part.

« Peu de personne ont emprunté cette nacelle Nou’Ham Kilirh… peu de personne ont eu ce privilège… », son regard se fit rêveur, comme s’il se rappelait un passé douloureux.

Un silence lourd de sens se fit sentir. Dans la chaleur qui augmentait petit à petit Nou’Ham se sentait un peu mal à l’aise. Elle l’avait vue La Clepsydre, l’une des rares à l’avoir vue dans son entourage d’ailleurs… c’était lorsque le père de Theylur était encore en vie. Cette pensée lui donna un coup au cœur, cet homme qu’elle avait tant chéri, cet homme qui l’avait immiscée dans ses secrets… l’un des secrets les mieux gardés de Darek-Idnach… la clepsydre…

Ainsi elle allait la retrouver, cet objet si mystérieux, si tentant, si troublant, si … dangereux. Peu à peu elle se sentait elle aussi angoissée à l’idée de la voir, à l’idée de pouvoir la toucher, peut-être ? Mais pour le bien de qui ?

La chaleur augmentait, un grondement sourd se fit peu à peu entendre plus ils s’enfonçaient dans la terre. Nou’Ham par réflexe se pencha par-dessus la nacelle pour voir si … mais il faisait trop sombre. Le souffle de chaleur qu’elle reçut dans le visage alors la fit s’asseoir. Le Pasha sourit et dit en chuchotant :
« On ne pouvait la garder dans un lieu trop accessible. Vous vous habituerez.»


La nacelle semblait ralentir. La chaleur était étouffante à présent et Nou’Ham sentit à peine la secousse lorsque dans le noir quasi-complet ils s’immobilisèrent. Le Pasha alluma une torche et l’aida à sortir de leur embarcation. Ils se trouvaient à présent dans une sorte de petit sas rocailleux et l'homme se dirigea vers l’une des parois. Il introduisit sa main dans une petite faille de la roche et se tourna vers la Kaya Kadin un étrange sourire aux lèvres. Nou’Ham sentit son cœur battre à tout rompre lorsqu’elle vit la roche se déplacer lentement. Le grondement s’intensifia tout à coup, la chaleur aussi, et elle laissa échapper un cri d'émerveillement lorsque le Pasha s'écarta pour la laisser passer…

Elle était là…

Basheer l'avait rejoint. Elle n'eut pas besoin de lui désigner l'entrée qu'elle avait empruntée, le scarabée ayant laissé d'immenses traces dans le sable.

S'approchant du malheureux disciple de Najam qui avait succombé à la charge de l'insecte, elle commenca à le fouiller. Elle trouva ce qu'elle voulait, à savoir une petite amulette avec une rune à son extrémité. Elle s'en empara puis retourna à la grotte.

" Allons-y !"

Farah entra à nouveau dans les profondeurs de la roche. Une centaine de mètres plus loin, elle tendit l'amulette devant elle et dit :
" Ash fedla krun !"

Rien ne se passa. Son vocabulaire incantatoire étant limité elle dut se plonger dans ses souvenirs d'études Najamiques.

" Ash fedla kyrun !"

Une faible aura lumineuse apparut autour de l'amulette. Elle brillait suffisamment pour éclairer dans une rayon de 5 mètres.

Farah et son ami pouvaient désormais avancer plus prudemment dans les méandres inconnus des gorges de Hul ...